Retraites : le « vrai rendement de la réforme » ou l’enfumage organisé

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Des mois de conflits sociaux, de mensonges ministériels et d’entourloupes gouvernementales, de mépris de la démocratie et aujourd’hui encore, il reste des éditorialistes à la Dominique Seux pour se faire porte-parole des désinformations macronistes.

La réforme des retraites a fait l’objet d’une intense campagne de désinformations gouvernementales. Comme tout un chacun je me souviens des dussoptises sur la retraite minimum à 1200 euros, des lemaireries sur les 18 milliards de recettes supplémentaires que la réforme était censée générer à l’horizon 2030 et de la macronade sur les risques financiers pour la France censés justifier le recours au 49.3 pour imposer sans vote la réforme des retraites. Juste un mois et demi avant que l’agence Fitch n’abaisse la notation de la France en raison même des troubles sociaux et politiques engendrés par cette tentative de passage en force.

 

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Ce devrait être l’honneur des journalistes de remettre les faits sur la table des débats politiques. Et le minimum serait qu’ils n’ajoutent pas de l’intox aux désinformations gouvernementales. Mais c’est trop demander à Dominique Seux.

Le 1er mai au matin, sur France Inter, le voici qui prophétise que « cette journée sera peut-être aujourd’hui la ou l’une des dernières manifestations contre la réforme des retraites ». Et qui prétend informer sur « le vrai rendement de la réforme ». Ses sources sont gouvernementales. Plus précisément, il s’agit du programme de stabilité pour 2023 à 2027 adopté le 26 avril par le Conseil des ministres et transmis à la Commission européenne. Voici ce qu’on trouve à la page 42 du document gouvernemental :

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[cliquez sur l’image pour l’agrandir]

 

Tout ça pour ça

En clair, la réforme des retraites est censé rapporter « un rendement » de 8 milliards d’euros en 2027, dont 3,5 milliards de recettes en moins, compte tenu des « mesures d’accompagnement », et 4,5 milliards de cotisations en plus. Ainsi, comme le constate l’économiste Maxime Combes, « l’exécutif a déclenché le plus important conflit social de ces 20 dernières années et ouvert une grave crise démocratique pour économiser non pas 50, 17 ou 12 milliards d’euros sur les retraites, mais seulement 8 pauvres milliards. C’est déraisonnable et inconséquent ». D’autant plus déraisonnable et inconséquent que 8 milliards sont le montant de la suppression de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises) qui profitera surtout aux grandes entreprises. De plus, ces 8 milliards de rendement ne tiennent pas compte du coût social de la réforme (RSA, ASS, chômage). Il est vrai que le gouvernement annonce fièrement que, de ce côté-là, il espère un rendement de 4 milliards de la pérennisation de sa nouvelle réforme du chômage.

Un journaliste pourrait au minimum mettre ces données et ces questions sur la table. Et interroger par exemple sur la faiblesse de l’impact financier d’une « réforme » soi-disant vitale pour sauver le système de retraite français. Le gouvernement lui-même en est sans doute conscient. Dans ce chapitre consacré à l’impact de la réforme des retraites, il sort de son chapeau 9 milliards supplémentaires qui n’ont rien à voir avec les retraites : 9 milliards de recettes de cotisations sociales et d’impôts supplémentaires hors cotisations retraites, qui résulteraient de l’accélération de la croissance à 1,7% à partir de 2024. Rien à voir donc avec le Schmilblick, sauf à prétendre que c’est lui qui va générer cette croissance par on ne sait quel effet multiplicateur. Mais personnellement je n’ai trouvé personne pour le prétendre… À part Dominique Seux.

Des carottes et des navets

Un journaliste devrait essayer de clarifier tout cela : à côté de la réforme des retraites, le gouvernement prétend que sa politique d’austérité budgétaire et ses contre-réformes sociales clairement assumées dans son programme de stabilité vont générer plus de croissance et moins de contribution au réchauffement climatique. Le moins qu’on puisse dire est que cela mérite discussion.

Au lieu de quoi Dominique Seux ajoute sans vergogne les carottes et les navets, les 8 milliards « de rendement » de la réforme des retraites et les 9 milliards de rendement de la croissance. Selon lui, la réforme des retraites aura « un effet total 9 + 8 = 17 milliards d’euros sur les comptes publics français ». « Bien sûr, ajoute-t-il pour essayer de rester crédible, ces chiffres doivent être pris avec des pincettes. » C’est pour mieux et immédiatement les reprendre à son compte : « Mais c’est beaucoup, alors même que l’âge de la retraite, en 2027, ne sera qu’à 63 ans ! La réforme des retraites a donc bien un objectif de redressement des finances publiques […] Sur les justifications de son projet, on le sait, le gouvernement a flotté depuis janvier. Finalement, Bercy revient au basique : les finances publiques doivent être redressées. Mais la réforme permettra de garder de l’argent pour d’autres priorités ». C’est cela oui… Comme quoi la question des retraites est loin d’être close !

 

Bernard Marx

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