Retraites : selon Olivier Dussopt, le ministre du Travail est un menteur
Combien de retraités vont voir leur pension atteindre les 1200€ grâce à sa réforme ? Plus on pose la question à Olivier Dussopt, moins ils sont nombreux.
Olivier Dussopt se pavanait, le 15 février, sur France Inter : « Quand on me dit combien grâce à cette réforme vont passer le cap des 85% du Smic ? On a une prévision, elle m’est arrivée hier soir : 40 000 personnes de plus chaque année ».
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Le 23 février, dans un courrier adressé au député socialiste Jérôme Guedj, ce même Olivier Dussopt écrit : « À la suite de votre sollicitation, un chiffrage complémentaire estimant le nombre de nouveaux retraités franchissant le seuil des 1200€ par le seul fait de la hausse des minima de pension vous a été transmis par la Direction de la Sécurité sociale. Les services estiment, selon les générations, qu’entre 10 000 et 20 000 personnes franchiront le seuil des 1200€ par cette seule mesure. »
Soit « 1,2% à 2,5% des retraités », commente Jérôme Guedj. Ou pour prendre le problème à l’envers, « 4,75 millions de nos retraités devront encore vivre avec moins de 1200 euros », note la députée communiste Elsa Faucillon.
1)❌ Et donc @olivierdussopt reconnaît enfin avoir gonflé les chiffres : le 15 février sur @franceinter, c’était « 40.000 nouveaux retraités aux 1200€ du fait de la ⤴️ du minimum contributif »
Suite à mon contrôle, il admet que ce sera « 10 à 20.000 »
1,2% à 2,5% des retraités pic.twitter.com/BfknWN8UDA
— Jérôme Guedj (@JeromeGuedj) February 28, 2023
Mais revenons à Jérôme Guedj. Celui-ci est parti d’un constat simple : Olivier Dussopt est un vilain menteur. Encore faut-il le prouver. Usant de son statut de vice-président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, Jérôme Guedj s’est donc rendu à la Sécu, mais aussi à Matignon et au ministère du Travail. Il y a obtenu plusieurs documents et a tout simplement posé des questions au ministre Dussopt, lequel s’est vexé, arguant qu’il n’avait pas de comptes à rendre à quelqu’un qui « perd les pédales ». Son camarade Franck Riester est allé jusqu’à crier à la « délation ». Ce n’est pas la honte qui les étouffe.
Voilà comment, parce que l’opposition a encore quelque pouvoir, on se retrouve avec un ministre du Travail se dédisant publiquement.
Le ministre avait donc menti mi-février. Mentir, ça s’écrit « revoir à la baisse » dans Le Monde ou Libération, et « reconnaître son erreur » sur BFMTV. Pudeurs de gazelle ou excès de zèle ?
Car, si le gouvernement s’amuse à tordre la vérité sur une des mesures phares de sa réforme, qu’en est-il du reste ? Que penser de l’explication d’Emmanuel Macron en personne, le week-end dernier au Salon de l’agriculture, qui n’a fait que nous prouver qu’il ne comprend rien à sa propre réforme ?
Que penser du fait que « les fameux « 1200 euros », brut, ne constitueraient plus un « minimum » pour tous, mais pour les seuls pensionnés justifiant d’une carrière complète, à taux plein, sur la base d’un salaire équivalent au Smic », sachant que nous avons déjà vu que ce type de carrière n’existe quasiment pas !
Relisons ce qu’écrivait ici-même (le 16 janvier !) notre chroniqueur éco Bernard Marx : « Une carrière complète de 42 ans intégralement payée au Smic, c’est pratiquement introuvable. Dans son rapport annuel de 2018, le très officiel groupe d’experts sur le Smic a été regarder de plus près les trajectoires salariales au voisinage du Smic entre 1995 et 2015 : sur 2,5 millions de personnes observées, « seules 48 ont passé les 21 années d’observation avec une rémunération inférieure à 1,1 fois le salaire minimum ». »
48 personnes.
« On va continuer les investigations », a tweeté Jérôme Guedj. D’ici là, on peut toujours désespérer que le mensonges d’un ministre fasse moins causer les commentateurs que son portrait dans Le Monde, portrait où l’on apprend surtout qu’Olivier Dussopt « se lève à 5h15, enchaîne cinquante pompes et autant d’abdominaux avant 6h30 [soit moins d’une pompe et d’un abdo par minute en moyenne, ndlr], suit un régime protéiné à base de steaks tartares. » Voilà donc le régime avec lequel la Macronie fonce tête baissée, à droite toute.