Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon

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Comme si le Front populaire avait déjà gagné la partie, la question du Premier ministre est sur toutes les lèvres. Et l’hypothèse Mélenchon fait déjà office de repoussoir.

Mon cher Jean-Luc,

Tu le sais, il y a des moments dans l’Histoire ou sa vie personnelle où ce qu’on fait ou ne fait pas peut avoir des conséquences qui vont bien au-delà de nos destins personnels. Je crois que nous sommes à ce moment en ce qui te concerne. Tu as dit plusieurs fois que tu étais disponible pour être Premier ministre, mais que tu ne t’imposais pas, puis aussi que « si vous pensez que je ne dois pas être Premier ministre, je ne le serai pas. Je ne serai jamais le problème ». Très récemment, tu déclares que tu as « l’intention de gouverner ce pays ». Par cette volonté claire, tu deviens le problème.

On te connaît bien. Tes qualités et tes défauts. Tu ne lâches rien, ce qui est une qualité, mais cela peut aussi être un défaut. Tu vois bien que ton nom en tant que Premier ministre fait figure de repoussoir pour pas mal de gens qui seraient prêts à voter pour le Front populaire. Sont-ils 2% des électeurs, 3%, 5%, plus ? On ne sait, mais c’est peut-être ceux-là qui vont manquer. Tu as vertement reproché à Fabien Roussel d’avoir été candidat en 2022 en arguant que ses voix auraient permis d’atteindre le second tour. Si tous les électeurs de Fabien Roussel avaient voté pour toi, ce qui n’est pas sûr, tu aurais eu raison. Peux-tu donc aujourd’hui faire ce que tu reprochais hier : empêcher la victoire parce que tu veux à tout prix être candidat au poste de Premier ministre ?

Il se trouve que chacun, comme toi, a ses qualités et ses défauts. Pour en rester aux candidats communistes, en 1969, Jacques Duclos était certainement le meilleur candidat par sa capacité à convaincre dans une attitude qui ne pouvait que susciter la sympathie. En 1988, André Lajoinie n’était pas le bon candidat, parce qu’il lui manquait les qualités qui font qu’on écoute quelqu’un et, pourtant, en tant que parlementaire, il était à sa place. Toi, tu es capable d’analyser les choses, de les décortiquer, de faire passer des messages. Mais tu es aussi quelqu’un, disons-le, de cassant, qui induit une attitude de retrait chez beaucoup de gens qui sont pourtant d’accord avec ton discours.

Toute la question est donc de savoir ce que tu veux aujourd’hui. Veux-tu ajouter à ta carrière ministérielle le titre de Premier ministre ? Je n’y crois pas : à ton âge, cette ambition personnelle serait pathétique. Penses-tu que personne n’est capable de remplir cette fonction à part toi ? Cela serait tellement ridicule – tu sais ce qu’on dit des cimetières peuplés de gens irremplaçables – que je n’en dis pas plus. Rien de tout cela, je pense. Peut-être souhaites-tu, après tant d’années de combat, apporter encore ta pierre et penses-tu que c’est là que tu serais le plus efficace. Louable attitude mais ce n’est pas ainsi que tu seras le plus utile : garde plutôt une parole libre pour dire ce que tu as à dire.

Ta place demain n’est pas en tant que Premier ministre du Front populaire et, encore dans ton entretien à France 2, tu n’as pas dit la phrase que tout le monde attendait : ce n’était pas « Je ne suis candidat à rien », mais « Je ne serai pas le Premier ministre du Front populaire ». D’autres gens, pour d’autres raisons, ne le seront pas non plus. Par exemple, François Hollande, même s’il est candidat du Front Populaire, a laissé trop de mauvais souvenirs pour y songer un seul instant.

Il y a des moments dans la vie où nos décisions individuelles ont une influence qui peut être déterminante pour le pays : un général de brigade a un jour de juin 1940 décidé de s’envoler pour Londres plutôt que de se mettre au service de Pétain qui l’aurait pourtant accueilli à bras ouverts. Pour toi, ce jour du choix est arrivé. Au moment où des fils de Pétain veulent devenir ministres de la Marine, ne te trompe pas de décision et dis-la vite, très vite.

Avec mon plus grand respect,

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7 commentaires

  1. R.Pozzo le 26 juin 2024 à 14:58

    « tu n’as pas dit la phrase que tout le monde attendait : ce n’était pas « Je ne suis candidat à rien », mais « Je ne serai pas le Premier ministre du Front populaire » ».
    Merci de ne pas englober les 22% des électeurs qui ont voté pour JLM à la présidentielle il y’a tout juste 2 ans dans votre « tout le monde ». Il y a, factuellement, des gens qui sont pour, bien que ça déplaise.

    Taper sur Mélenchon ne rendra pas nos idées plus acceptables. Le prochain ou la prochaine PM du NFP sera trainé.e dans la boue de la même façon, et peu auront les reins aussi solides que JLM pour ne pas dévier du programme de rupture face à la cabale médiatique qui s’annonce.

    J’ai vraiment du mal à comprendre au nom de quoi il devrait s’exclure de toute position dans le très hypothétique futur gouvernement NFP. Quelle légitimité a un Hollande, un Glucksman, une Tondelier et même un Ruffin à le traiter de la sorte, alors que JLM tient le cap à gauche depuis 15 ans dans un pays de plus en plus à droite ?

    Jouer le jeu de la division n’apporte rien. Il ne s’impose pas, il ne sera pas automatiquement PM. C’est pourtant clair. Si des électeurs de gauche hésitent encore, pour une hypothétique histoire de PM alors qu’on doit faire face à l’arrivée de l’ED au pouvoir, c’est à eux de revoir leurs convictions, pas à JLM de s’effacer.

  2. carlos_H le 26 juin 2024 à 15:55

    « tu deviens le problème […] tu n’as pas dit la phrase que tout le monde attendait :
    ce n’était pas « Je ne suis candidat à rien », mais « Je ne serai pas le Premier ministre du Front populaire ».  »

    => je crois que cette phrase résume à elle seule le fait que quoi que dise J.L. Melenchon, ou quoiqu’il fasse, il restera « par nature » le problème… Car manifestement et malgré la tournure choisie, Mélenchon n’est pas « devenu » un problème à l’occasion de ces élections n’est-ce pas??????
    A titre indicatif: https://www.acrimed.org/+-Jean-Luc-Melenchon-+

    Si la mauvaise foi m’habitait, j’userai volontiers du même stratagème politique « psychologisant » visant à soumettre ceux qui ne cessent d’invectiver celui qui reste le leader de la gauche aux dernières élections présidentielles (Franchement, la comparaison avec Roussel était-elle judicieuse?) en leur posant la question suivante : Pourquoi JLM vous osbède-t’il?

    « … à ton âge, cette ambition personnelle serait pathétique. […]Cela serait tellement ridicule. »
    Honnêtement, je ne vois pas d’autre intérêt à cette lettre ouverte que d’afficher PUBLIQUEMENT, alors que l’échéance électorale est proche, l’aversion que ressent une partie de la gauche à l’endroit de cette personnalité politique du même « bord » (normalement) non sans un certain âgisme : beau spectacle qui matérialise « l’unité de la gauche » vue par une gauche un tantinet « bourgeoise » et la confiance alors que les votants pourront accorder à la solidité du « Nouveau Front Populaire »!

    Que JLM n’ait pas caché son ambition d’exercer le pouvoir au niveau national en se présentant aux présidentielles ou bien en demandant le soutien des français lors des précédentes Législatives afin de devenir 1er ministre (devrait-t’on évoquer un don de voyance? 😉 ), personne ne peut l’ignorer, que cela le pousse à indiquer qu’il est prêt pour « gouverner » ce pays si d’aventures le Nouveau Front Populaire lui confiait en 2024 en cas de victoire, la lourde tache d’exercer la fonction de 1er ministre, ou à défaut que ce dernier le nomma à un portefeuille ministériel [certainement régalien dans son esprit], n’a alors rien d’étonnant. …
    Pour autant, les paroles ENGAGEANTES et ASTREIGNANTES que J.L. Mélenchon a prononcé: « si vous pensez que je ne dois pas être Premier ministre, je ne le serai pas. Je ne serai jamais le problème », n’en acquiert que d’avantage de valeur! Après tout, contextuellement, elles viennent affirmer que les efforts indéniables consentis par la France Insoumise en cédant notamment 100 sièges de députés au PS pour que le Nouveau Front Populaire n’explose pas au décollage, marquent bien la volonté de répondre à la demande des électeurs un Front de gauche uni devant le péril que représente le Rassemblement National aux portes du pouvoir!

    Note Bene: En l’occurrence, on remarque que déjà, d’autres personnalités de la France Insoumise commencent à hériter dans la bouche de commentateurs ou acteurs politiques des mêmes « travers » que J.L. Melenchon… Est-ce la gauche de « rupture » qui pose problème? Et a qui ?

    • Magnus le 26 juin 2024 à 17:19

      C’est assez banal en fait, c’est une version « mais pourquoi vous ne mangez pas des gâteaux » version 2024 (voir mon commentaire sur https://regards.fr/non-le-parti-ne-se-renforce-pas-en-sepurant/ ). Si on veut entrer dans l’inconscient de cette lettre, dans le fond : il s’agit d’une lettre en phase avec ces éléments dans la société qui ont peur et aimeraient que le système actuel continue pour toujours, car ils sont tellement habitués à ce système, il les conforte ce système à bout, en train de mourir. Car voilà : EUX ils ont une vie assez agréable, ils profitent assez bien de ce système et s’y plaisent. Du coup ils refusent de croire que le système peut être en train de mourir. Donc ils tapent sur Mélenchon qui n’a même pas été investi dans ces législatives, alors que Hollande – ben Hollande ils aiment assez bien, finalement, il fait partie de ce système qui les conforte.

      Cette lettre est très superficielle, en complet déni du point de basculement que par exemple JLM a vu venir il y a assez longtemps. Car voilà : cette lettre représente Hollande, représente toutes ces personnes « ah mais pourquoi vous ne mangez pas de gâteaux » version 2024.

      Elle est inquiétante cette lettre, c’est vrai, tout comme le fonctionnement de regards etc. Car voilà : le point de basculement approche à grande vitesse et ils ne le voient pas venir, mais préfère s’accrocher à l’ancien au lieu de VRAIMENT lutter contre l’extrême-droite.

      En espérant que suffisamment de personnes ne se font pas avoir…

  3. carré Janie le 26 juin 2024 à 18:27

    Pourquoi M Le Pen etait au scond tour ?? la faute à JLM ? Non il manquait peu de voix Elles étaient où??
    Un peu de mémoire un peu d’honneteté intellectuelle

    Ah un bouc emissaire comme c’est facile
    !
    Tirez lui donc une balle dans le dos et vous … verrez … tout ira bien dans le meilleur des mondes à gauche
    Abjecte de hurler avec les loups avec Bolloré et Co

    Continez à minauder à la télé Madame Tricot vous y ëtes tres mimi bien fardée et tout et tout …
    Plus très jeune le vieux JLM c pas facile non plus mais vous les avez vu les minots Attal , Bardella si jeunes et si réacts!!
    abjecte vous dis je

  4. EURIA KERZAZI le 27 juin 2024 à 13:58

    Monsieur MELENCHON à la poigne dans un moment de dérive de notre société. JLM fait peur, il veut redonner de l’espoir aux plus faibles et plus pauvres. Ce qui jusqu’à présent n’a pas été fait. La majorité d’entre nous ont besoin de lui. Il fait ce qu’il dit.
    Il connaît les rouages de la politique, il ne fera pas, genre je dois attendre, c’est maintenant.
    REVEILLEZ VOUS
    VOTEZ FRONT POPULAIRE

  5. Lucien Matron le 27 juin 2024 à 14:40

    La question du jour n’est pas de savoir qui sera Premier Ministre, mais bien de tout faire pour rassembler le maximum d’électrices et d’électeurs pour construire la victoire du Front Populaire. Le jeu de la division est un jeu dangereux qui ne peut profiter qu’au Rassemblement National. Nous sommes à quelques jours, de la fin de cette période électorale, il ne s’agit pas de tergiverser mais de faire voter pour les candidates et candidats du Front Populaire. La victoire est possible.

  6. Mickaël Andrieu le 27 juin 2024 à 15:52

    Que la droite s’excite sur JLM 1ier Ministre, ok. Mais ceux à gauche qui répondent à cette question en éliminant le sujet jouent le jeu de la division.

    Ont-ils conscience seulement, les Faure, Tondelier, Glucksmann et autre Hollande, qu’ils sont le premier repoussoir dans les quartiers populaires et qu’ils ont besoin des quartiers populaires pour être élus ?

    Mélenchon, c’est l’un des seuls à n’avoir jamais abandonné les quartiers : sans lui, toute la gauche est out !

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