La surprise de cette présidentielle, c’est qu’il n’y en a aucune
Ça va être Zemmour ! Non, Pécresse ! Ah non, Mélenchon… Bon, Le Pen peut-être ? Ah… Bah non, c’est Macron. Qu’est-ce qu’on dirait pas pour rendre un peu excitant la campagne la plus boring de toutes.
Il faut être un militant le nez dans le guidon pour ne pas le voir : qu’elle est nulle cette campagne ! D’un ennui, d’une mollesse… D’aucuns disent même qu’il n’y a tout bonnement pas de campagne, quand d’autres parlent de « campagne Tefal, où rien n’accroche ».
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Même les sondages le disent – c’est dire ! –, ainsi lit-on dans Les Échos : « Selon le baromètre OpinionWay-Kéa Partners […], plus d’un Français sur trois (35%) affirme ne « pas encore s’intéresser à la campagne ». Soit par rapport à 2017, « 5 à 6 points de moins à date comparable, ce qui est beaucoup », souligne Bruno Jeanbart, le vice-président de l’institut de sondages. »
Et pourtant, heureusement qu’ils sont là, les sondages. Ça donne de quoi se mettre sous la dent, de quoi dire quelque chose. Parce qu’on va pas se mentir, depuis 2017, on le dit, on l’entend, partout et tout le temps : Emmanuel Macron, en 2022, il va être réélu. Le game est plié d’avance. Pas que l’actuel locataire de l’Élysée soit imbattable, mais la concurrence… comment dire… la concurrence, y’en a pas ! Ou si peu.
Dans cette folle aventure présidentielle, il y a eu quatre épisodes marquants.
1/ Zemmour
En octobre, c’est LA sensation de l’élection : Marine Le Pen, la papesse de l’extrême droite, l’héritière du monopole familial, aura un concurrent. Il est petit, moche et méchant. En plus il dit des gros mots comme « grand remplacement » ou « remigration ». Du pain béni pour les médias, CNews en tête. Incarnation brutale de la fascisation du discours politique, Éric Zemmour chamboule la droite, au sens large. Puis ça fait pschitt. De 18% des intentions de vote, l’adorateur de Pétain chute à 10.
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2/ Pécresse
Avant le mois de décembre et son élection, toute la presse ne parle que de Xavier Bertrand. Il a la carrure, l’expérience, le sens du territoire, pour battre à la fois Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Manque de chance, la démocratie, ça ne se passe pas dans les colonnes des éditorialistes. C’est donc la présidente de la région Île-de-France qui remporte la mise. Il n’aura pas fallu attendre deux sondages après sa victoire pour que, boum !, tel Buzz l’éclair, Valérie Pécresse culmine d’un coup d’un seul à 17%, devant la candidate du Rassemblement national. Ce sera elle, c’est sûr. Aujourd’hui, elle est donnée à moins de 10%. Plus Bellamy que Sarkozy.
3/ Mélenchon
À gauche, il aura fallu attendre longtemps pour qu’un des six candidats creuse l’écart avec ses petits camarades. Bon, en vérité, il n’y a pas eu 36 solutions : c’était soit Yannick Jadot, soit Jean-Luc Mélenchon. Les deux trotskistes ne feront pas de scores à la Laguiller ou Besancenot ; Anne Hidalgo n’a d’égal que la popularité du Parti socialiste ; les communistes vont pouvoir voter communiste. Bref, depuis décembre, le candidat insoumis creuse son sillon, passe les 10% en février, devant Pécresse, devant Zemmour… Rien qu’au mois de mars, l’écart entre Mélenchon et Jadot est passé de 5 à 10 points. On a longtemps dit qu’aucun des candidats de gauche ne ferait mieux que 10%. Désormais, Jean-Luc Mélenchon y est – et tous les autres sous les 5… Le deuxième tour est à portée de main. Quasiment. Presque. Tout proche.
4/ Le Pen
Finalement, on en revient à elle. Petite parenthèse : avec la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron a bondi dans les sondages, de 25 à 31% des intentions de vote, avant de redescendre doucement. Et Marine Le Pen ? Elle monte, elle monte, à mesure que Valérie Pécresse et Éric Zemmour baissent. Au point de dépasser les 20% ! Elle que l’on croyait fini n’a, en réalité, jamais réellement quitté sa place d’outsider numéro 1 au Président. Mais elle perd toujours au second tour. Toujours ? Oui, mais attention, voilà que dans les sondages, « l’écart se resserre ». Il n’en faut pas plus pour que tout le monde y aille de son commentaire. Le Pen présidente ? C’est possible.
À gauche, insoumis et écologistes se tapent dessus comme des sourds, avec des arguments béton du genre « Pour que l’extrême droite ne soit pas au second tour, un seul vote : JLM ! » ou « C’est les électeurs de JLM qui vont voter Le Pen face à Macron ! ».
Et pendant tout ce temps, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’échauffent pour leur match-retour.
Il ne s’est rien passé dans cette campagne.