Conclave sur les retraites : fumée blanche… pour une grande arnaque ? (2ème partie)

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Le « conclave » sur les retraites de François Bayrou fait vraiment office de couteau suisse. Mais même après le départ de FO et de la CGT, le banquet continue. Notre chroniqueur éco Bernard Marx suit le dossier pour vous.

Dans le conclave reformaté, la priorité donnée à l’équilibre financier des retraites et aux modalités de financement de la protection sociale va faciliter la propulsion de trois réformes régressives : la TVA sociale, la retraite par capitalisation – placées tout en haut de l’agenda du Medef – et la suppression de l’abattement fiscal de 10% sur les revenus de pensions qu’il soutient. Cela mérite quelques commentaires.

1. La suppression de l’abattement fiscal de 10% sur les revenus des retraités

Les retraités bénéficient depuis 1978 d’un abattement fiscal de 10% sur leur revenu de pensions. L’abattement est plafonné à 3600 euros mensuels par foyer. La proposition de suppression de l’abattement a été émise par Gilbert Cette, le nouveau président du Conseil d’orientation des retraites (COR). Le président du Medef, Patrick Martin, soutient. « La question se regarde », a dit la secrétaire générale de la CFDT.

Cette réforme rapporterait annuellement (à l’État et non aux régimes de retraites) 4 milliards d’euros.

Mis à part la CFDT, les syndicats (voir ici ou ) sont opposés à cette suppression. D’une part l’abattement n’est pas un privilège mais une compensation. D’autre part la mesure prendrait peu aux retraités les plus aisés (du fait du plafonnement). Elle pénaliserait les retraités aux revenus moyens mais aussi des dizaines de milliers d’autres aux revenus jusqu’ici insuffisants pour être imposables et qui le deviendraient. 

2. La TVA sociale

Il s’agirait, dit le Medef, de compenser une diminution des cotisations sur les salaires par une augmentation de la TVA, « sauf sur les produits de première nécessité ». Selon Patrick Martin, « cela rapporterait environ 10 milliards d’euros à l’État et aurait le mérite d’alléger le coût du travail et d’augmenter le salaire net de tous les salariés. En plus, la TVA s’applique aux importations, mais pas aux exportations. Ce qui favorise la compétitivité française ».

La proposition ne peut concerner que les cotisations sociales employeurs non contributives (famille, maladie) et pas les retraites. Comme l’explique l’économiste Henri Sterdyniak, « la TVA ne frappe pas l’investissement, donc le capital. C’est un impôt sur le travail. Le ripage Cotisation Sociale Employeur/TVA serait une dévaluation interne ; il provoquerait une hausse des prix. Soit les ménages subiraient une perte de pouvoir d’achat. Soit les salaires seraient indexés et les gains de compétitivité vite perdus. »

3. La retraite par capitalisation

C’est une réforme structurelle majeure que le Medef voulait déjà mettre sur les rails avec le conclave première version. A fortiori avec la version 2. En surfant sur « l’économie de guerre », le président du Medef avait averti début mars : « Notre thèse c’est qu’a minima, il faut préserver les 64 ans et que, sans jamais remettre en cause la retraite par répartition, il faut mettre en place en parallèle une retraite par capitalisation dans des conditions à convenir avec les syndicats ». D’Attal à Retailleau, en passant par Philippe, les appuis politiques dans le socle commun sont nombreux. Le maire du Havre projette même un référendum sur la question.

Déjà on sonde les Français. Et, oh surprise !, ils disent à une forte majorité qu’ils y sont favorables. Sauf que si on regarde de plus près, la question posée dit le mot mais n’explique pas la chose. Le sondage montre néanmoins l’inquiétude des actifs (dont les cotisations financent les retraites actuelles) sur le niveau de leur future retraite. Une inquiétude qui n’est pas infondée : dans le cadre des réformes actuelles, les projections du COR montrent une dégradation future du taux de remplacement des salaires par les pensions et du niveau de vie relatif des retraités. C’est sur ce terreau que fleurit la fausse promesse de la capitalisation.

Il existe un seul régime de retraite par capitalisation obligatoire et complémentaire du régime par répartition : celui des fonctionnaires. Et, comme le souligne la fédération CGT des travailleurs de l’État, il donne la preuve que la capitalisation ne marche pas. Les cotisations capitalisées produisent des pensions plus faibles qu’avec la répartition et le système n’est pas solidaire.

Autre exemple : l’Allemagne. « Pour limiter le poids des dépenses de retraite par répartition, a expliqué Arnaud Lechevalier, maître de conférence à Paris 1, l’Allemagne finance, depuis vingt ans, des dispositifs de capitalisation qui s’avèrent inégalitaires et inefficaces pour maintenir le niveau des pensions. »

En fait, pour abonder le régime par capitalisation, soit on prélève sur les cotisations du régime par répartition et on diminue les pensions par répartition, soit les cotisations s’ajoutent et, au total, elles seront plus élevées. Avec un accroissement des inégalités et une désolidarisation aggravée entre salariés.

Contrairement aux régimes par répartition qui définissent un niveau de pensions en fonction des cotisations, les régimes par capitalisation et les géants de la finance qui les gèrent ne s’engagent pas sur les pensions qui seront versées. Ils versent des pensions en fonction de la rentabilité du capital épargné par le retraité. Avec le risque permanent de la crise financière… Et avec, comme le rappelle l’économiste Jean-Marie Harribey, l’intéressement des salariés à la course aux profits dans le monde via la pression sur les salaires et la surexploitation de la planète.

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