Conclave sur les retraites : fumée blanche… pour une grande arnaque ? (1ère partie)

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Le « conclave » sur les retraites de François Bayrou fait vraiment office de couteau suisse. Mais même après le départ de FO et de la CGT, le banquet continue. Notre chroniqueur éco Bernard Marx suit le dossier pour vous.

Annoncé « sans totem ni tabou » par le premier ministre, le « conclave » lui a d’abord servi à éviter le vote socialiste de la censure. Le rétablissement du tabou sur la question centrale du retour au 62 ans a entraîné, après le départ anticipé de FO, celui de la CGT – et de l’Union patronale des artisans (U2P). Mais la partie de bonneteau continue avec la participation active de la CFDT et du Medef.

Avec leurs collègues conclavistes maintenus, ils ont redéfini les sujets à traiter. Exit le dossier de l’âge de la retraite, bienvenue aux priorités de « l’équilibre financier », de l’effort partagé entre les entreprises et les salariés et de l’amélioration des mécanismes de solidarités.

La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, s’est félicitée que le MEDEF « n’est pas parti en courant » quand elle a fait des propositions pour mesurer la pénibilité dans des métiers. Un simple échange de vue a tempéré la négociatrice du syndicat CFE-CGC Christelle Thieffine.

En fait, la priorité donnée à l’équilibre financier et au partage de l’effort entre les entreprises et les salariés a tout pour frayer la voie aux principales revendications du Medef, soutenues activement par des ténors du socle commun du gouvernement : la capitalisation et la TVA sociale, plus la suppression de l’abattement fiscal plafonné de 10% sur les pensions de retraites.

Sur les antennes de France TV, Marylise Léon a peut-être voulu afficher une autre voie : « La question du financement, a-t-elle expliqué, sera largement traitée par l’emploi des séniors. On a un objectif de progresser de 10 points sur l’emploi des séniors pour arriver à la moyenne européenne. C’est 700 000 personnes en emploi et 10 milliards de recettes en plus ».

La secrétaire générale de la CFDT a-t-elle bien conscience de ce qu’elle a affirmé ?

  1. Selon les données du ministère du travail (Dares), le taux d’emploi des 55-59 ans est, en réalité, légèrement supérieur à la moyenne européenne. L’écart de 10 points (en réalité 12) ne vaut que pour les 60-64 ans. Sachant que la population totale des 60-64 ans est de 4,3 millions, une augmentation du taux d’emploi de 10% pour les 60-62 ans cela fait au maximum 150 à 200 000 emplois et certainement pas 700 000. En d’autres termes, le plan de financement de la retraite de Marylise Léon, c’est l’augmentation massive de l’emploi, non seulement pour les 62-64 ans mais même parmi les 65-70 ans.
  1. Allonger le temps de travail avant d’en améliorer les conditions d’exercice est une provocation. La France n’est pas seulement à la traine de l’Europe pour le taux d’emploi des plus de 60 ans. Elle l’est aussi pour la situation très préoccupante des conditions de travail. « La hâte de partir à la retraite puise ses sources dans une perte de sens et de perspectives au travail », a justement rappelé le chroniqueur du Monde Philippe Escande, en même temps qu’il annonçait… son départ en retraite.
  1. L’augmentation du taux d’emploi des seniors est tout sauf une panacée pour assurer l’équilibre financier du système de retraite. L’économiste Michael Zemmour l’a clairement expliqué il y a quelques jours dans Le Monde. La réforme de 2023 va maintenir en emploi 300 000 salariés qui aurait souhaité partir en retraite. À quoi il faut ajouter 100 à 200 000 personnes qui ne seront plus en emploi et seront maintenus dans la précarité (particulièrement des ouvriers et des employés).

Les 300 000 personnes maintenues en emploi vont diminuer les dépenses de retraites. Mais vont-ils permettre d’augmenter significativement la croissance, les rentrées fiscales et les recettes des régimes de retraites. Ce n’est pas du tout évident. Ce n’est pas parce qu’on augmente l’emploi des séniors qu’on augmente d’autant l’emploi total et les rentrées de cotisations retraites. L’Insee vient de publier sa photographie de l’emploi pour 2024 : le taux d’emploi des séniors augmente. Mais l’emploi des jeunes se replie. Et la part des personnes en emploi à temps partiel qui avait baissé pendant cinq ans a recommencé d’augmenter. Les courbes ci-dessous montrent clairement que la hausse du taux d’emploi des 50-64 ans depuis 2010 n’a pas empêché une quasi-stagnation du taux d’emploi total.

Comme l’écrit Michael Zemmour avec beaucoup de modération : « Si l’on regarde froidement les choses, il n’est pas certain que la hausse du taux d’emploi des seniors soit une source d’enrichissement si importante pour le pays, ni qu’il faille s’y accrocher quel qu’en soit le prix politique et social ».

Ce n’est effectivement pas ainsi que la France sortira de son enlisement économique, social et politique.

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1 commentaire

  1. BRAUN le 1 avril 2025 à 07:19

    Depuis l’instauration du système de décote, en 1993, plusieurs crises économiques ont marqué le marché du travail en France, avec l’augmentation du chômage et des accidents de carrière conjuguée à la baisse de l’espérance de vie en bonne santé.
    L’ âge d’annulation de la décote est de 67 ans. autrement dit, c’est l’âge de départ à la retraite. Joliment déguisé. Qui aura une carrière complète, même à 67 ans ? Comparons avec une personne valide (je le précise) qui n’aura jamais travaillé, bénéficiera dès l’âge de 65 ans à 1036,35 euros non contributif. c’est à dire sans charges sociales.

    Autre information qui vaut son pesant d’or. En général, c’est dans les dernières années que les revenus sont les plus élevés.(ancienneté, évolution de carrière…) Vérifiable sur le site de l’assurance retraite.
    Si vous souhaitez que le revenu d’activité de l’année de votre départ à la retraite soit pris en compte ? Ah bon ? il peut être intéressant de différer votre départ au 1er janvier de l’année suivante. En travaillant jusqu’au 31 décembre, en effet,cette dernière année d’activité entre dans le calcul du salaire annuel moyen basé sur les 25 meilleures années. En d’autre terme si vous partez avant la fin de cette dernière année d’activité, les trimestres sont comptés mais vous perdez la valeur de vos derniers mois de salaire. Voilà encore une astuce pour faire baisser la pension de retraite et insidieusement pousser les seniors à partir encore plus tard. Pourquoi ? Pour qui ?

    C’est ça le génie du système social ? faire fuir les retraités vers des horizons où la vie sera moins dure au soleil. Les travailleurs ne sont pas que idiots

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