Ariège : Carole Delga a réussi son pari

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Avec 60% des voix, la candidate socialiste dissidente a nettement battu celle de la Nupes, lors de la législative partielle. Roger Martelli analyse cette élection et en tire de nombreux enseignements.

Ce dimanche 2 avril s’est tenu dans la 1ère circonscription de l’Ariège le deuxième tour de l’élection législative partielle. Les résultats sont sans appel : la candidate socialiste dissidente, Martine Froger, a largement devancé la députée LFI sortante, Bénédicte Taurine, avec un peu plus de 60% des suffrages exprimés.

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En juin 2022, Bénédicte Taurine l’avait emporté nettement sur la représentante officielle de la Macronie (55,3% des suffrages exprimés). Neuf mois plus tard, elle recule de plus de 15 points. Au premier tour, elle avait pourtant limité les dégâts, en voyant son pourcentage se tasser d’un peu moins de 2%. Mais cette érosion contrastait avec la double progression du candidat du RN (+4.9%) et surtout de la socialiste locale (+8,3%) – Martine Froger était soutenue par la fédération départementale socialiste, la présidente de région Carole Delga et par le rival national d’Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol. La candidate macroniste, en recul de plus de 9 points sur le premier tour de juin 2022, avait immédiatement appelé ses électeurs (2300 voix et 10,6%) à se reporter sur le nom de Martine Froger.

À l’arrivée, dans un second tour qui a un peu moins mobilisé que le premier (un millier de votants en moins et 1,8%), Bénédicte Taurine n’a récupéré qu’un peu plus de 1000 électeurs et 8,7% depuis dimanche dernier, contre 6000 voix et 33,8% pour sa concurrente. L’appui sans réserve de la direction socialiste d’Olivier Faure n’a manifestement eu guère d’effet pour dissuader les électeurs de Froger du premier tour de réitérer leur vote ce dimanche. Quant aux 9000 électeurs qui, au premier tour, n’avaient voté ni pour Taurine ni pour Froger, la plus grande part s’est reportée sur la candidate du PS local.

Il est vrai que l’Ariège est un département ancré massivement à gauche et dominé par le PS pendant 89 ans. La présidentielle de 2017 avait interrompu le cours tranquille de l’hégémonie socialiste : au premier tour, Jean-Luc Mélenchon s’était trouvé en tête dans le département et surclassait Benoît Hamon. Du coup, l’Ariège avait basculé du côté de La France insoumise : Bénédicte Taurine et Michel Larive l’avaient emporté au second tour, il est vrai de justesse, sur les candidats adoubés par Emmanuel Macron.

Bénédicte Taurine a résisté au premier tour, mais s’effondre dans un second où se réalise l’union sacrée de tous ceux qui ne veulent pas de la Nupes et, a fortiori, pas de LFI.

En juin 2022, dans la 2ème circonscription, le député sortant LFI, Michel Larive, avait été déjà battu par un socialiste dissident, tandis que Bénédicte Taurine avait conforté ses positions, en gagnant 2000 voix et 5% des exprimés. La législative partielle de cette année fait donc revenir le département à son point de départ. Dans une gauche qui a totalisé 59% des exprimés au premier tour, le PS a repris la main.

Le résultat est évidemment décevant pour la Nupes qui, malgré une union restée solide au plan national, n’a bénéficié ni de la mobilisation sociale exceptionnelle ni de l’effondrement de l’électorat macroniste. La part de cet électorat qui venait de la gauche s’est reconnue dans la candidature socialiste dissidente, mais une autre partie, plus nettement ancrée à droite, a préféré le choix du Rassemblement national. Du coup, Bénédicte Taurine a résisté au premier tour, mais s’effondre dans un second où se réalise l’union sacrée de tous ceux qui ne veulent pas de la Nupes et, a fortiori, pas de LFI.

Encore une fois, l’Ariège n’est pas la France et tous les adversaires de la Nupes ne peuvent être mis sur le même plan. Mais le mauvais résultat de ces deux dimanches ne doit pas être pris à la légère. Le score présidentiel remarquable de Jean-Luc Mélenchon en 2022 et la progression spectaculaire de la représentation législative de la gauche ne doivent pas faire oublier que le total des gauches reste pour l’instant fixé autour des 30%. Quant à la dynamique électorale, tout laisse entendre qu’elle pourrait malheureusement être davantage du côté de l’extrême droite que du côté de la « gauche de gauche ».

C’est une raison supplémentaire pour ne jamais oublier que le monde populaire et le superbe mouvement social actuel ont politiquement besoin de deux choses en même temps : que se conforte le poids d’une gauche bien ancrée dans les vieilles valeurs de la « République démocratique et sociale » ; que la dynamique portant vers une majorité soit celle de la gauche dans la diversité de ses sensibilités.

La Nupes sera à la hauteur de ses tâches, à la seule condition qu’elle s’arcboute sur ce double objectif, qu’elle affine la stratégie qui peut y conduire, qu’elle trouve les modalités de fonctionnement qui l’installent dans la durée.

 

Roger Martelli

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