Dominique Boutonnat, le profit avant l’art

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La tête de Dominique Boutonnat est réclamée à la suite d’une accusation de viol sur son filleul. Après deux mandats à la présidence du Centre national du Cinéma et de l’image animée (CNC), le bilan n’est pas brillant.

Lundi 13 mai au matin, une centaine de manifestants se sont mobilisés devant le CNC, brandissant la Une de Libération du vendredi titrée « Dominique Boutonnat, l’homme qui embarrasse le cinéma français », accompagnée de Judith Godrèche derrière une banderole « Séparer l’homme du CNC ». Dès le 12 mai, une pétition demandait également son retrait du CNC. Pour l’instant, Dominique Boutonnat, qui récuse toutes les accusations, est maintenu à son poste et son procès est prévu à partir du 14 juin à Nanterre.

Pourtant, au-delà même de ses concupiscences condamnables, la direction de Dominique Boutonnat au CNC est navrante et porte préjudice à tout le cinéma français. En effet, sous l’impulsion de Dominique Boutonnat, le CNC a pris un tournant néo-libéral, adoptant une vision marchande du cinéma français.

À peine un an avant sa nomination à la direction du CNC, Dominique Boutonnat rédigeait un rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles, qui a laissé la majorité des professionnels sceptiques, mais qui a ensuite servi de base à son action à la tête du CNC. Dans ledit rapport, il était question de la transformation des conditions de financement de la création française, mais surtout de la rentabilité des œuvres. Avec, par exemple, la préconisation d’aides sélectives en lien avec une approche fondée sur les performances économiques, l’appui sûr des commissions incapables de statuer sur la valeur humaine des projets, adoptant uniquement des critères budgétaires.

Or, il est question d’art, d’innovations, de performances humaines, qu’on ne peut marchander et évaluer uniquement à l’aune de critères monétaires. Par essence, la magnificence du cinéma français, ce qui fait sa renommée à l’étranger, repose sur une liberté créatrice qui doit s’affranchir de critères financiers normatifs pour conserver sa capacité à innover et surprendre.

De plus, à l’instar des Américains, Dominique Boutonnat a favorisé le développement des séries et subséquemment une logique de création manufacturière, dans un contexte où l’industrie cinématographique est mise à mal par l’omniprésence des plateformes.

Business before pleasure

Ainsi, certains membres de la profession avaient déjà pointé du doigt la mise en péril de la politique publique en faveur de la cinématographie. Quelque temps après l’annonce du renouvellement de Dominique Boutonnat à la tête du CNC pour un second mandat, Saïd Ben Saïd, figure importante du paysage cinématographique français, avait alerté sur cette « transformation en profondeur du CNC ».

Une évolution qu’il impute à la soumission de Dominique Boutonnat aux lois du marché, bien loin de l’amour de la culture et la passion du cinéma. L’objectif numéro un du CNC était pourtant sa lutte contre l’omniprésence des blockbusters, notamment américains. Et en 2022, Saïd Ben Saïd déplorait déjà cette volonté d’attirer le plus possible les tournages et plateformes d’outre-Atlantique. Il disait, suivi par un grand nombre de ses homologues, que cette nouvelle approche purement économique dénature le cinéma. Le septième art français a été victime du règne du prédateur libéral. Une raison de plus de « séparer l’homme du CNC ».

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