LA LETTRE DU 28 JUIN

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Fractures et combats d’une campagne-éclair

Au terme de cette campagne aussi courte qu’inattendue, et avant même le vote, quelques lignes de force se dégagent.

La colère sourde dans le pays va prendre massivement l’expression d’un bulletin de vote RN. Ce processus engagé depuis des années a été accéléré par la politique et le style d’Emmanuel Macron. Le RN, tout acquis à sa stratégie de la cravate, symbole d’ordre, de respect des conventions et des institutions, parait offrir un débouché politique à ceux qui ont vu les gilets jaunes occuper les ronds-points et les manifestants tenter de s’opposer à la loi retraite. Le RN a su se présenter comme en phase avec les amertumes devant la fermeture d’une classe, d’une gare, d’une poste, d’un distributeur automatique de billets ou d’une maternité.

Les dirigeants d’extrême droite dans leurs discours, leurs déplacements à travers le pays, par leurs innombrables selfies aussi, ont redonné une visibilité à ceux qui se sentent hors du cadre de la photo France. Face au mépris ressenti, à l’oubli et l’abandon, ce fut peu, mais cela a suffi à faire tomber les dernières protections. Longtemps les valeurs et les pratiques d’ouverture ont progressé. Depuis deux ans, le rapport du CNCDH l’enregistre : cela n’est plus. À force de se cogner la tête contre les murs, les homosexuels, les trans, les personnes d’origine étrangère, les chômeurs… sont devenus l’explication du malheur. Le RN les désigne comme coupables de la perte du pays commun et ils sont donc les premiers visés par lui.

La droite républicaine qui, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, avait en 2015 décidé de ne pas choisir entre le FN et la gauche (ni, ni) a totalement sombré. Les Républicains qui ont voté la loi retraite et la loi immigration mais pas les censures contre le gouvernement n’ont plus de colonne vertébrale. Leurs électeurs se répartissent désormais à part égale entre le RN, la macronie et la continuité LR. La farce ciottiste en restera une des expressions.

La macronie est tout aussi sonnée que le reste du pays. Sans ancrage local, sans parti, sans idéologie constituée, elle ne croit même plus dans ce magicien qui finissait toujours par gagner. Pour ne pas disparaitre dans le système majoritaire à deux tours, elle tente d’être le recours contre les « extrêmes ». Las, le combat contre le RN lui paraissant inatteignable, elle a donc fourbi ses armes contre le Nouveau Front Populaire, accusé d’antiparlementarisme, « d’immigrationisme », d’antisémitisme et de communautarisme, de soumission à Mélenchon… Ni, ni, clame -t-elle à son tour. La honte pour ceux qui avaient demandé à la gauche, il y a tout juste deux ans, de barrer la route au RN ! Les mêmes choses produisant les mêmes effets, la macronie ne sera plus. 

Le Nouveau Front Populaire (NFP) est né il y a 2 semaines, dans les conditions les plus difficiles : à l’issue d’une âpre campagne européenne. Autour d’un programme classiquement keynésien et peu d’extrême-gauche, dans un rapport de force interne modifié, toutes les forces de gauche ont su se mettre d’accord pour présenter des candidatures uniques. Cette courte campagne ne fut pas un chemin pavé de roses. Il fallait une solide culture ancrée historiquement, celle du rassemblement face à l’extrême droite, pour rester unis. LFI a tenté de jouer les trouble-fêtes (Mélenchon Premier ministre, purge contre les opposants, vidéos désagréables et tweets infamants). Il faudra donc bien travailler encore à faire reculer la propension au rapport des forces permanent, à la volonté d’hégémonie et à la violence symbolique. 

Mais LFI ne fait plus la pluie et le beau temps. Ses électeurs en recherche d’une gauche solide, ne sont pas réductibles à cette détestable (et surannée) culture politique. Des syndicats, d’innombrables associations et ONG, médias indépendants, engagés en tout genre se sont mobilisés pour faire barrage et ouvrir un chemin d’espoir. Il faut que les candidats du NFP soient le plus haut dès le premier tour et rassembleurs au second. Qui va gagner entre le RN et le NFP ? Rien n’est encore joué. 

Haut les cœurs !

Catherine Tricot

RACISTE DU JOUR

Le RN est un parti raciste

Roger Chudeau, député sortant et Monsieur Education du Rassemblement national, s’est fendu, jeudi soir sur BFMTV, d’une saillie d’un racisme crasse : pour lui, les binationaux n’ont rien à faire à la tête des ministères. Et de prendre pour exemple Najat Vallaud-Belkacem, ministre sous François Hollande, qui aurait, du fait de sa double nationalité franco-marocaine, permis l’apprentissage de l’arabe dès l’école primaire (à Regards, on ne voit pas où est le problème – sauf à être raciste). N’allez pas chercher trop loin des explications farfelues : le problème de M. Chudeau, c’est Mme Vallaud-Belkacem est une arabe. Sachez le naturel, il revient au galop… surtout quand on touche à la colonne vertébrale idéologique raciste du parti d’extrême droite et ce, n’en déplaise à Marine Le Pen qui, dès vendredi matin, a essayé de prendre timidement ses distances avec le député de son groupe.

P.P.-V.

ON VOUS RECOMMANDE

  • Si vous voulez voir à quel point le parti présidentiel se fout de notre gueule, allez jeter un oeil au simulateur de retraites dont le lancement a été annoncé hier par le Premier Ministre. C’est du grand n’importe quoi : la CSG proposée par le Nouveau Front populaire est censée être progressive or, tapez quelques exemples et vous verrez qu’il n’en est rien. Bref, on est sur du mensonge en règle.

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2 commentaires

  1. Magnus le 28 juin 2024 à 21:27

    « Mais LFI ne fait plus la pluie et le beau temps. »

    Ben on voit bien à quel point Regards n’a rien compris. C’est l’UE et son grand-frère les Etats-Unis, pas du tout mentionnés, qui font la pluie et le beau temps depuis pas mal de temps – surtout la pluie que le parti qu’est le FN et le RN a ramassé pour pousser des fleurs endiablées.

    Il suffit de lire le dernier numéro du Monde diplomatique. Pour citer cet analyse du dernier numéro du Monde diplomatique (la fin de l’article « Nous y sommes ») :

    « à mesure qu’il contamine la droite et le centre avec ses obsessions sécuritaires et migratoires, le parti de Mme Le Pen parachève sa normalisation économique, notamment sur la question européenne. Son accession au pouvoir apporterait donc à son électorat « de petits, de sans-grade, d’exclus, de mineurs, de métallos, d’ouvrières, d’ouvriers, d’agriculteurs acculés à des retraites de misère » invoqué le 21 avril 2002 par M. Le Pen les mesure xénophobes auxquelles certains aspirent peut-être. En revanche, cette victoire de l’extrême droite ne ferait rien pour inverser la dynamique qui les a broyés. Une gauche qui enfin s’y emploierait n’aurait donc plus aucun rival, juste un chemin semé d’embûches à éviter et une page blanche à écrire. Pari gagnant ?

    C’est à présent le seul qui reste. »

  2. carlos_H le 30 juin 2024 à 09:33

    « Qui va gagner entre le RN et le NFP ? Rien n’est encore joué.
    Haut les cœurs !
    Catherine Tricot »
    => je viens de vous entendre dire le contraire… et que défaite était actée!
    ohlalala! Mieux vaut rester sincère en toutes circonstances madame.

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